Une œuvre de Mathurin Méheut, combien ça coûte ?
Lundi 21 Novembre 2022 à 19h17
Une œuvre de Mathurin Méheut, combien ça coûte ?
Le 25 juin dernier, au château de Quintin, la « Femme aux roussettes », faïence monochrome émaillée blanc, réalisée par Mathurin Méheut, datée de 1928-1930, a été remportée 28 600 € lors d’une vente aux enchères menée par Me Karl Benz. (Le Télégramme/Benoît Tréhorel)
La côte de Mathurin Méheut, artiste né à Lamballe et tout à la fois dessinateur, illustrateur, décorateur, sculpteur, peintre et graveur, ne cesse de grimper. Éclairage avec le commissaire-priseur plérinais Karl Benz.
Les œuvres de Mathurin Méheut sont-elles aujourd’hui recherchées sur le marché de l’art ?
« C’est un artiste qui n’a pas été malheureux de son vivant : il avait beaucoup de commandes, de la notoriété, était exposé à Paris et avait été nommé peintre officiel de la Marine. Par ailleurs, seulement quatorze ans après sa mort en 1972, un musée consacré à son œuvre a ouvert à Lamballe. Très peu d’artistes ont eu un musée à leur nom si tôt. Mais depuis vingt ans, sa côte a véritablement explosé sur le marché de l’art, en étant multipliée par deux ou trois. Et elle ne cesse de grimper. Des collectionneurs de toute la France et des étrangers s’intéressent à lui. Lors de ma vente inaugurale, en 2021, le croquis en couleur d’une dorade, sur un format A4, a par exemple été vendu 3 800 €, alors que j’en attendais plutôt 1 200 € ou 1 300 €. Même si ce coloriste de génie avait su restituer sur le vif, à la sortie de l’eau, l’orange, le rose ou le violet du poisson, ce n’était pourtant pas une œuvre très aboutie.
« Le succès de Mathurin Méheut tient au fait que quand on regarde l’une de ses œuvres, il n’est pas besoin d’être fin connaisseur d’art pour l’apprécier. Son travail est très accessible, en particulier son étude du monde marin, réalisé lors de son séjour de deux ans à Roscoff, à partir de 1910 », considère Karl Benz. (Le Télégramme/Benoît Tréhorel)
Pourquoi la côte de Mathurin Méheut est-elle en train de flamber ?
Le succès de Mathurin Méheut tient au fait que quand on regarde l’une de ses œuvres, il n’est pas besoin d’être fin connaisseur d’art pour l’apprécier. Son travail est très accessible, en particulier son étude du monde marin, réalisé lors de son séjour de deux ans à Roscoff, à partir de 1910. Il y a un côté très ludique ; ses œuvres se rapprochent parfois de la bande dessinée. Et c’est un artiste qui donne une âme à ses sujets. Par ailleurs, il parvient à atteindre la perfection d’un point de vue de l’anatomie et des proportions des poissons et crustacés.
Initié à l’œuvre de Mathurin Méheut par sa grand-mère, amatrice des peintres de l’école bretonne, Karl Benz se voit confier régulièrement des œuvres de l’artiste, qu’il doit authentifier. Une tâche loin d’être évidente. « C’est un artiste qui a beaucoup été copié, même de son vivant ». (Le Télégramme/Julien Vaillant)
Combien faut-il dépenser aujourd’hui pour s’offrir une de ses œuvres ?
« Pour une simple impression, comme celles réalisées pour les menus du grand restaurant parisien de fruits de mer Prunier, les prix oscillent entre 30 € et 50 €. Pour une petite esquisse à l’encre, sans couleur, relatant par exemple une scène de la vie quotidienne à la campagne, il faut compter entre 400 et 600 €. Et pour une gouache ou une aquarelle, c’est tout de suite plus de 1 000 €. Par ailleurs, une paire de petites assiettes, service de la mer, est récemment partie pour 680 €. Ensuite, les prix peuvent s’envoler. Lors de ma vente Florilège, en juin dernier, à Quintin, une aquarelle de 40 cm, « La Vieille Pâtourde », représentant une femme de Plévenon gardant une vache, a été vendue 9 000 €. Et lors de cette même vente aux enchères, la « Femme aux roussettes », une faïence monochrome émaillée blanc, réalisée en cinq exemplaires, a été adjugée 28 600 €. Pour bien mesurer à quel point la côte de Méheut a explosé, il faut savoir qu’un modèle identique avait été vendu 12 240 € sept ans plus tôt à Brest ».
Votre métier consiste également à authentifier les œuvres. Est-ce chose simple avec Mathurin Méheut ?
« Absolument pas. C’est un artiste qui a beaucoup été copié, même de son vivant. Dans le département, il y avait d’ailleurs un grand faussaire de Méheut, aujourd’hui décédé. Lorsqu’on vient me trouver à l’étude avec une œuvre de Méheut, je suis donc systématiquement prudent. Je me fis d’abord à ma sensibilité. Mais même si mon œil est de plus en plus aiguisé, je me lance ensuite dans des études comparatives. Ce sont des heures et des heures d’un travail de recherches qui me conduit régulièrement au musée de Lamballe ou à des expositions temporaires. Mais ça passe aussi par des analyses graphologiques. Et l’étape ultime, en cas de doute persistant, c’est de questionner des grands spécialistes et des conservateurs de musée ».